-Arrêtes je t'en supplie ! Je... Je ne voulais p... Argh !

Le pied d'Amadeus venait de violemment percuter la cage thoracique du garçon qui était recroquevillé sur le sol devant lui, plusieurs côtes se brisèrent sous le choc et le garçon alla rouler quelques mètres plus loin. Il resta à terre, son regard terrifié, tel un animal apeuré devant un prédateur, fixé sur Amadeus. Malheureusement pour lui, s'il y avait bien un émotion qu'Amadeus avait oublié il y a de cela bien longtemps c'était la pitié et le pardon. Or c'était exactement ce que ce garçon implorait en ce moment : son pardon. Il l'avait trahi et il avait été assez stupide pour se faire attraper. Il faisait parti des délinquants qu'Amadeus avait rassemblé autours de lui pour ses objectifs et la chose s'était montrée fructueuse, il les avaient utilisés pour réunir une quantité importante d'informations, c'est fou tout ce que les voyous savent sur ce qu'il se passe dans leur école. Ils étaient aussi une diversion exceptionnelle lorsqu'on souhaitait ne pas attirer l'attention des enseignants, du comité ou des guardians.

"Je ne lui ai quasiment rien dit sur toi ! je devais la rencontrer ce soir pour...."

Amadeus se rapprocha du traitre et se pencha pour l'écouter, il lui avoua tout. Il lui parla d'un rendez-vous ce soir au cimetière, Amadeus regarda l'heure, il allait être en retard pour ce rendez-vous, il avait un peu de nettoyage à faire avant...

Il était enfin arrivé devant le cimetière, l'atmosphère était lugubre et il faisait étonnamment froid pour la saison. A part le léger bruissement des feuilles dans les arbres, le silence était absolu. Ayant pris possession d'un corbeau, Amadeus l'avait utilisé comme éclaireur pour repérer la personne qu'il était venu rencontrer. Le corbeau finit par la survoler, par ses yeux Amadeus l'aperçut dans un coin particulièrement sombre et isolé de l'endroit. Quel endroit idiot pour se rencontrer ! Se pensaient-ils dans un film d’espionnage ou dans un roman gothique peut-être ? Cela dit l'aspect sinistre du lieu de rendez-vous qu'ils avaient choisi pouvait lui être utile pour déstabiliser la jeune fille. Amadeus s'approcha sans un bruit, elle lui tournait le dos mais il pouvait sentir qu'elle était exaspérée d'attendre quelqu'un qui n'arrivait pas, elle pouvait l'attendre un moment, il ne risquait pas de venir.

"C'est un drôle d'endroit pour rencontrer quelqu'un, j'espère que vous ne comptiez rien faire qui puisse déranger le sommeil des morts."

Profitant qu'elle ne puisse le voir, Amadeus s'était hissé en haut d'un petit tombeau, surement un riche du coin qui avait considéré qu'une simple pierre tombale ne suffisait pas et qu'il fallait au moins un cabanon en pierre pour accueillir sa prestigieuse dépouille. Cela devait coûter une fortune tout ça pour un cadavre, quel gâchis d'argent. Amadeus s'était comme à son habitude exprimé avec courtoisie et un léger amusement avait pointait dans le ton de sa voix. Perché sur le toit de la bâtisse, les jambes pendant dans le vide et légèrement penché en avant pour pouvoir observer la jeune fille, il devait avoir l'air d'un diablotin sorti de sa boîte ou d'une apparition spectrale. Il observait la réaction de la jeune fille dont il ne connaissait pas le nom avec curiosité. Continuant sur le même ton de voix, Amadeus s'exprima de nouveau du haut de son perchoir :

"Je viens à la place de celui que tu devais rencontrer... Comment s'appelle-t-il déjà ? ... Peu importe ! Quoi qu'il en soit, il a... Un empêchent et ne pourra pas se libérer pour venir. Je suis venu t'avertir à sa place."

Amadeus n'avait pas menti, il ignorait réellement le nom du garçon dont il s'était occupé un peu plus tôt, il n'avait pas fait l'effort de retenir le nom des délinquants dont il s'était entouré, après tout ils n'étaient que des outils, pourquoi leur accorder la moindre considération ?

Amadeus avait pris le temps de détailler la jeune fille du regard, elle était magnifique, d'un beauté à la fois sombre et envoutante, ses longs cheveux bruns soulignaient l'élégance et la finesse de ses traits. Le lieu était trop sombre pour qu'Amadeus voit la couleur de ses yeux mais ils semblaient de couleur foncée, peut-être du marron ou du noir qui venait lui donner un côté inquiétant mais il était mal placé pour critiquer les yeux des autres. Sa robe gothique se mariait parfaitement à l'ambiance du lieu et lui donnait l'air d'une sorcière venue réaliser un rituel interdit à l’abri des regards indiscrets. Elle était sublime, sa beauté était dangereuse et il n'avait aucun mal à imaginer des hommes se perdre dans ses prunelles ou avoir le cœur chaviré par l'un de ses sourires. Elle devait d'ailleurs surement en jouer, elle aurait d'ailleurs tort de s'en priver, fort heureusement pour lui, si Amadeus était capable d'apprécier son physique, il ne portait pas assez d'intérêt aux jeux charnels pour se laisser distraire par cela. Tout le temps qu'il l'avait détaillé, son regard était resté aussi vide de toute émotion qu'a l'accoutumé.

Amadeus était toujours perché en haut du petit mausolée, elle prétendait respecter les morts, le seul fait qu'il ait décidé de s'assoir à un tel endroit démontrait son absence totale de respect pour les défunts, d'une pichenette il vint éraflé la croix qui trônait près de lui, sur le haut de la petite crypte, faisant tomber quelques graviers par son geste.  Il ne voyait pas pourquoi une personne obtiendrait automatiquement le respect du fait de sa mort, le respect était une chose qui se méritait par des actes, pas un droit acquis. De plus en pensant à son projet, l'idée du respect du sommeil des morts lui paru particulièrement ironique mais bien évidemment cela elle ne pouvait pas le savoir. Trouvant que la distance qui les séparait allait gêner leur conversation, Amadeus se laissa tomber de son perchoir et se réceptionna avec agilité, il avait toujours été d'apparence frêle et s'était bien plus appuyé sur sa dextérité que la force brute, il avait du se reposer pendant des années sur sa souplesse et sa rapidité et bien que désormais le démon qui l'habitait lui avait conféré une force suffisante pour se défendre, ses mouvements avaient conservé quelque chose de félin, une grâce presque aquatique. Il continua de sourire avec politesse.

"Vous ne pouvez pas savoir à quel point je suis heureux de vous entendre dire cela, la plus part des monstres que j'ai rencontré jusqu'à présent n'étaient que des brutes épaisses dénuées de la moindre réflexion. Des créatures plus proche de l'animal que de l'être civilisé. Rencontrer enfin quelqu'un avec un minimum d'éducation est un plaisir."

Amadeus était en effet las des Yokai qui lui montraient les crocs avant même qu'il se soit présenté, d'abord parce que la chose était complètement stupide et il fallait être le dernier des abrutis pour prévenir ainsi son adversaire que l'on comptait l'attaquer là où une attaque surprise serait bien plus efficace et ensuite parce qu'il trouvait cela particulièrement primitif, la violence était bien évidemment une chose nécessaire, il y avait eu recours un peu plus tôt. Néanmoins elle n'était qu'un dernier recours et il y avait tant d'autres manières infiniment plus subtiles d'amener une personne dans sa toile sans avoir à user de force, c'était ces méthodes qu'Amadeus affectionnait le plus, elles requéraient ruse et intelligence et n'étaient donc pas accessibles à tous mais elles étaient généralement bien plus efficaces et comportaient l'avantage de ne pas attirer l'attention sur soi, cela expliquait d'ailleurs pourquoi personne n'avait encore clairement identifié Amadeus malgré tous ce qu'il avait réalisé : parce qu'il avait agi dans l'ombre, en dessous des radars de l'école.

"Incapable ? j'en conviens, la compétence n'est pas une chose commune, elle est rare et difficile à trouver. Mais ne pensez-vous pas qu'il y a d'autres qualités bien plus primordiales ? La loyauté par exemple..."

Les yeux d'Amadeus se plissèrent très légèrement et son regard se fit curieux. Il se demanda si l'inconnue comprendrait l'allusion, c'était son manque de déloyauté qui avait conduit le garçon qu'elle devait rencontrer à sa perte. En évoquant de façon indirecte la trahison de son sbire, Amadeus laissait entendre qu'il savait ce qu'elle avait essayé de faire, il était curieux de savoir pourquoi elle avait tenté d'infiltrer son groupe, ce qu'elle recherchait. Mais son insinuation ayant été subtile, il ne s'était pas révélé comme celui qui tirait les ficelles depuis les coulisses, après tout il pouvait très bien n'être qu'un émissaire envoyé pour la rencontrer.
Ne lui laissant pas le temps de répondre, Amadeus laissa échapper un léger rire cristallin et recommença à lui sourire avec affabilité.

"Mais j'en oublie les bonnes manières ! Pardonnez moi, je ne me suis même pas présenté. Amadeus von Wolfgang, pour vous servir Ma Dame."

Durant ses paroles, Amadeus était venu saisir la main de l'inconnue avec délicatesse pour y déposer un baiser, il s'était ensuite reculé et avait très légèrement incliné la tête, parodiant ainsi les rituels de salut des cours royales européennes d'antan, mais après tout ses propres vêtements semblaient tout droit sortis des siècles passés, c'est d'ailleurs pour cela qu'on le méprenait souvent pour un vampire. Il ne s'agissait d'ailleurs pas entièrement d'une parodie, venant lui même de l'une des plus puissantes familles nobles d'Autriche, il était habitué à ce genre d'attention un peu désuète.

"Aurais-je l'honneur de connaître votre nom ?"

Amadeus ne faisait pas confiance à la jeune fille, après tout elle tentait de se renseigner sur lui et il en ignorait encore les raisons, il restait donc méfiant. Mais contrairement aux êtres peu évolués qui parcouraient leur lycée qui se seraient contentés de se montrer agressifs, Amadeus maintenait un ton courtois et plaisant, après tout ils n'étaient pas des animaux alors pourquoi se comporter comme tel ?