Le ciel n'était pas spécialement clément, ce jour là ; bien au contraire, le temps était en train de faire subir aux êtres vivant sur ces terres un de ses nombreux caprices. La pluie qui tombait en ces instants étaient dures, elle frappait la peau, les vêtements, les parapluies, avec force, ricochant sur tout ce qui pouvait lui permettre de rebondir avec brutalité. Pour ceux qui n'avaient pas pris garde à la météo, pour ceux qui s'habillaient léger en toutes circonstances, et pour ceux qui cumulaient les deux, c'était assez gênant de se retrouver sous ces trombes d'eau, qui ne finissaient jamais de tomber avec tant de brusquerie. Tout le monde n'aime pas la pluie. Et il y en a qui l'aime encore moins. C'était le cas de Diana, de cette forme indistincte sous sa cape dont elle avait rabattu la capuche sur son visage, ne dévoilant que le bas de ce dernier. Le menton fin pouvait paraître hautain, tout comme la voix qui s'échappa des lèvres vermeilles dissimulées par l'ombre du tissu, lorsqu'elle demanda à un passant s'il connaissait un hôtel ou quelque chose dans ce goût là, enfin le lieu le plus proche où elle pourrait s'abriter. Cependant, les gens du coin la connaissaient, ou du moins ils savaient qu'elle était juste un peu arrogante, qu'il ne fallait pas trop lui en vouloir pour l'orgueil dont la jeune femme pouvait parfois laisser transparaître : c'était la plupart des jours une simple réaction à l'agacement, ou à l'épuisement, bien que cela soit plus souvent l'épuisement.

Malheureusement pour la jeune femme, ce passant n'était qu'un simple voyageur, et il n'avait ni la connaissance du comportement de Diana, ni celle du lieu où elle pourrait se réfugier afin de fuir la pluie si embêtante, si embarrassante. Elle avait horreur d'être mouillée, de cette sensation d'être trempée contre son gré, juste parce que le bon ciel avait décidé qu'il allait se mettre à pleuvoir. Elle détestait l'eau, son contact la répugnait tout bonnement, si froid, si glissant, et elle ne supportait cet élément liquide que s'il était bouillant. C'était d'ailleurs dans des douches et des bains véritables chauds qu'elle se lavait, rester dans l'eau froide étant au dessus de ses forces. Cela faisait peut-être cliché, qu'une personne manipulant le Feu ne portait pas l'Eau dans son cœur, pourtant les faits étaient clairs. La  Nymphe lui marcherait bien volontiers dessus, si elle pouvait l'écraser.

Le pire, c'était qu'elle avait une folle envie de pleurer à cause de toute cette pluie : cette dernière la rendait réellement nerveuse, la nervosité la transformait en une personne fatiguée, la fatigue la métamorphosant en une pauvre petite fille grondée par sa maman, et les pauvres petites filles grondées se mettaient toujours à pleurer, pour Diana. Alors elle désirait juste se laisser aller, s'échouer en plein milieu de cette rue qu'elle avait eu le malheur de prendre à la place de celle d'habitude, croyant que c'était un raccourci, elle souhaitait juste fermer les yeux, se recorviller sur elle même en position fœtale, et de faire couler toutes ses larmes de rage de s'être ainsi fait prendre par la pluie. Ceci pouvait sembler stupide, qu'elle soit à bout pour juste un caprice du ciel, qu'elle soit ainsi déplorée pour juste quelques gouttes - enfin quand même, il y en avait vraiment beaucoup, des gouttes. Seulement, c'était l'effet des souvenirs qui remontaient toujours avec ce temps. De vieux souvenirs. D'anciens souvenirs. Des bribes, généralement. Parce qu'elle ne voulait plus entendre parler de cette partie de sa vie où elle était une joyeuse petite fille, laquelle était aimée par ses parents. Elle ne voulait que l'oublier. Mais l'oubli, c'était dur. Dur et facile à la fois. Il était difficile de survivre en ayant oublié des souvenirs, des parties de soi-même, mais il était aisé de l'oublier et de ne jamais s'en rappeler.

Toujours était-il que la jeune femme était totalement à cran, tant qu'elle pensa sérieusement à l'idée d'agripper le passant en le secouant furieusement pour lui faire payer l'affront de ne pas pouvoir l'aider. Heureusement pour lui elle était bien élevée, élevée comme une dame par ailleurs,  et elle n'en fit rien. Elle se contenta de jeter un regard effrayé autour d'elle, plantée au milieu de cette place inconnue qu'avait abouti la rue empruntée peu de temps avant, ses longs cheveux étant devenus collants même avec la maigre protection de la cape. Le tissu était gorgé d'eau, le rendant lui aussi affreusement collant. Diana détestait cela aussi, le fait d'être emprisonnée dans des vêtements ; et finalement, elle finit par ôter le dernier rempart entre la pluie brute et sa peau délicate, détachant maladroitement l'attache qui maintenait l'habit au niveau du cou, le laissant choir au sol sans même le ramasser - c'était une Reine. Voilà. Elle se sentait déjà un peu mieux. Croyant pouvoir faire face à l'élément naturel ainsi, elle se remit en marche, cherchant au hasard un lieu pour s'abriter.

Les rares personnes qui traînaient encore dans les rues étaient bien couvertes,  et elles regardaient d'un air bizarre cette personne étrange qui marchait sur la place avec un regard perdu, paniqué, une chevelure pourpre époustouflante collée contre son corps sulfureux en grande partie dénudé. Sa marche était un peu hésitante, comme si elle ne savait pas où elle allait exactement - et c'était le cas, bien qu'elles ne le savaient pas. On aurait dit une personne de sang royale qui aurait perdu son trône et son royaume. Déchue. Enfin, elle s'arrêta subitement, trébuchant de ses pieds nus, et s'accrochant à un autre passant pour ne pas tomber, pour ne pas perdre toute la maigre dignité qui lui restait. Bien que cette dernière vola en fumée quand Diana se mit à sangloter, n'arrivant plus à retenir les larmes de fatigue et de nervosité qui l'étreignaient. Une Reine ayant perdue toute sa superbe. Une Reine se retrouvant face aux émotions.