Aurelia lui avait assuré qu'elle ne parlerait pas, il n'en avait pas douté dès l'origine au vu sa peur des autres et ses difficultés de communication évidentes. La jeune fille semblait de plus s'être attachée à lui et devait se sentir redevable puisqu'il l'avait protégée. Les chances qu'elle le trahisse étaient donc minimes. Satisfait de ce développement, Amadeus reposa son regard sur l'hécatombe qu'il avait provoqué, les corps avaient quasiment entièrement disparu et il ne restait que quelques monticules d'une étrange poussière noire et malodorante qui était peu à peu charriée au loin par le vent.  Songeant au délinquant qu'il avait épargné, Amadeus ne put retenir un léger sourire, cela avait été tellement simple, si les choses continuaient sur cette voie il pourrait contrôler la moitié des gangs du lycée d'ici une à deux semaines. Il serait cela dit prudent, il devait rester dans l'ombre et ne pas attirer trop l'attention, seuls les imbéciles agissaient en pleine lumière, Amadeus comptait bien rester tapi dans le noir le plus longtemps possible à manigancer ses prochains mouvements. Il était un marionnettiste, tirant les ficelles depuis les coulisses et regardant sur le devant de la scène les pantins danser sous les yeux du public.

Il avait rencontré des gens qui se pensant malins, comparaient ce genre de stratagèmes à une partie d'échec où les joueurs avançaient leurs pions chacun leur tour. Quelle vision réductrice des choses avaient-ils ! La réalité n'était pas si simple, elle n'était régie par aucune règle préétablie comme l'était tout jeu, elle était changeante, soumise au hasard, à la chance et aux cas fortuits, des choses qui n'existaient pas dans un jeu aussi mathématique que les échecs. Du point de vue d'Amadeus, ces personnes tentaient de se rassurer, pensant détenir le contrôle, maîtriser toutes choses en se référant à des règles simplistes d'un jeu borné. Bien sûr il n'avait aucune raison de les détromper, ils n'en étaient que plus simple à anticiper et manipuler.

"Retiens cela Aurelia, il y a toujours des opportunités à saisir des pires situations. Tu ne perds que lorsque tu décides d'abandonner."

Amadeus savait que la jeune fille n'interpréterait surement pas ses paroles de la même façon que lui les comprenait. Elle y verrait surement un hymne à l'espoir et la persévérance et l'on pouvait en effet les comprendre ainsi. C'était pourtant une tout autre valeur qu'il défendait ici : l'opportunisme, l'absence absolue de scrupules à utiliser toute situation à son avantage. C'est d'ailleurs ce qu'il avait fait ce soir, la plus part des gens n'auraient vu qu'une jeune fille ayant besoin d'aide et aurait décidé de l'aider ou non. Amadeus lui l'avait bien sûr aidé, il n'était pas un monstre, mais il avait aussi essayé de retirer avantage de la situation et il avait réussi, il venait d'acquérir une emprise sur la partie sombre de ce lycée et il comptait bien la développer.

"J'ai bien peur qu'il nous faille nous séparer, aucun gardian n'est encore arrivé mais la probabilité existe que l'un d'entre-eux arrive sous peu et ni toi ni moi ne voulons avoir à répondre à leurs questions."

Se relevant Amadeus se dirigea vers la porte permettant de quitter le toit, la lenteur de réaction des gardian était vraiment risible, à cette vitesse Amadeus aurait pu décimer la moitié du lycée sans qu'aucun ne daigne se montrer. Il était incroyable de son point de vue qu'une situation comme celle d'Aurelia ait pu s'installer sans que personne n'intervienne avant lui. Pourquoi engageait-on des gens au comité et chez les gardians s'ils n'étaient même pas capables d'assurer la sécurité des élèves. Reposant une dernière fois son regard sur la jeune fille, Amadeus ne put s'empêcher de la plaindre, elle avait déjà bien assez de problèmes sans que des brutes viennent en rajouter. Il lui sourit de nouveau avant de partir.

"Au revoir  Aurelia, ne t'inquiètes pas ces voyous ne s'en prendront plus à toi tu as ma parole. Ce fut une rencontre instructive et j'espère te recroiser à l'occasion."

C'est sur ces mots qu'Amadeus disparu dans les ténèbres de l'escalier qui le mènerait aux étages inférieurs, il avait quelques ficelles à tirer et des marionnettes à faire danser...