Elle n'aimait définitivement pas rester en place, immobile, avec comme seule occupation compter les nuages et deviner ce que représentaient les formes étranges et duveteuses qu'ils adoptaient. Sincèrement, quel intérêt ? Ce n'était pas particulièrement une femme d'action, mais elle n'était pas non plus ce genre de femme fainéante et inutile, qui ne servait à rien d'autres qu'à servir de potiche et, à la limite, d'esclave. Pour elle, pour cette fausse Reine, trop bien pour tout le monde, la passivité était le facteur de la faiblesse. Une personne forte se battait, elle défendait ses idéaux, les imposant si parfois cela ne suffisait pas ; tandis qu'une personne faible se contentait de dire oui, de s'excuser, de s'effacer, de laisser les autres décider. Sa vision du monde était peut-être un peu dure, peut-être un peu surfaite, sauf qu'à ses yeux et qu'à ses oreilles, elle sonnait si juste et si criante de vérité. Pour elle, rien d'autre n'était plus vrai, rien d'autre n'était plus réaliste, que cette pauvre façon de voir le monde, de appréhender la vie. Et bien entendu, elle avait raison, bien entendu, c'était aussi elle qui détenait la meilleure vision des choses, des événements. Les autres, les opposants, avaient tord. Ils avaient toujours tord, de toute manière. Ils n'en faisaient qu'à leur tête, ne cherchaient pas à comprendre, ne chercher pas à approcher d'autres points de vue. En fait, ils étaient comme elle, mais, évidemment, elle, elle était dans le vrai.

Elle pouvait se montrer si arrogante, quand elle le voulait... Elle pouvait être si fermée aux propositions différentes, au reste du monde, totalement perdue dans une bulle noire qu'elle se serait construite. Cherchait elle à se protéger de quelque chose, de quelqu'un ? Était-ce la raison de son éloignement, de son ton hautain qu'elle employait quand elle se sentait largement supérieure - souvent, en fait, presque tout le temps -, de ses regards un peu mesquins qui ne faisaient pas se sentir les gens à l'aise avec elle ? Ses yeux orangés, animaux, vous scrutaient, à la recherche de votre faille, à la poursuite de la moindre faiblesse que vous n'auriez le malheurs de laisser entrevoir. On aurait presque dit que son seul but était de vous détruire, de s'assurer que plus jamais vous ne pourrez remarcher et reparler, ni dessiner ou écrire. On aurait dit que son seul but était votre fin,pure et simple, votre fin qui aurait alors signifié le début de son bonheur à elle, de ses joies à elle. Elle ne pouvait que se réjouir quand le monde était à ses pieds, que quand il la suppliait, que quand il demandait grâce.

Ce qu'elle désirait, ce qu'elle souhaitait plus fort que tout, c'était qu'elle soit enfin tranquille. Que les personnes habitant ce triste monde ne la jugent plus, qu'ils ne la regardent plus de travers. En fait, ce n'était qu'une pauvre petite âme brisée qui cherchait a se donner de grands airs derrière des manières distantes et froides, sous des paroles acides et venimeuses, pourtant terriblement polies - non pas qu'être vulgaire ne lui arrivait jamais, hein. Pour un peu, elle ressemblait presque à une petite fille qui aurait perdu son chemin qui n'arriverait pas à le retrouver, et se ferait lentement aspirer par la forêt immense où elle se trouvait. Car après tout, les arbres étaient la source de tellement de malheurs ! Beaucoup de choses, d'évènements, étaient arrivés parce qu'ils le voulaient, parce qu'ils l'avaient décidé ainsi. Pas que les arbres, d'ailleurs. Les plantes, les fleurs, le moindre brin d'herbes étaient dangereux. Des monstres sanguinaires qui n'attendaient que la bonne occasion pour vous faire accabler de tous les torts en quelques instants. Ils ne valaient pas mieux que les autres, en fait, ils l'avaient abandonnée eux aussi, juste à cause de son Feu, de son Feu haineux qui brûlait, qui la consumait.

En admirant le paysage en contrebas, elle se rendit compte était l'un de ces jours spéciaux où elle se sentait d'humeur massacrante, et où elle voulait au monde entier, à toute personne existante, à toute chose présente sur cette terre. En soupirant, Diana laissa tomber pour quelques minutes ce rôle qu'elle endossait, ce rôle de sorcière qui n'aimait rien d'autre que faire souffrir les autres et leur faire comprendre combien, elle, elle souffrait dans sa solitude et dans la noirceur qui semblait l'envelopper comme un voile protecteur. Et ce Feu, qui ne s'éteignait jamais en elle, qui s'enflammait lors des jours de pluie, qui devenait rageux lors des promenades en forêt ou en présence d'arbres. Ses lèvres pleines soupirèrent tristement, comme si le monde entier ne pouvait rien pour apaiser leur souffrance. Cette tristesse qui se liait étrangement à sa colère lui donna envie de hurler. De hurler pour crier que plus tard, ce sera elle qui commandera le monde, qui les dirigera tous, qu'ils soient d'accord ou non. En plus, sur ce toit où elle était seule, qui pourrait l'entendre à part son âme ?