Assis, rebord de fenêtre et dans un couloir. Voilà où je me trouve en cette matinée. Je cherche depuis quelques minutes pour ne pas dire, dizaines de minutes une classe mais pour une raison obscure je n’arrive jamais, vraiment jamais dans le bon couloir. On pourrait vite penser que je n’ai point le sens de l’organisation et je pense fortement que ce n’est pas faux. Mais qui l’aurait vraiment lors du débarquement au sein d’un nouvel établissement ? J’avais beau y avoir réfléchi depuis plusieurs minutes, je ne savais pas le pourquoi mais c’était comme ça : je suis perdu, enfin pas exactement car je sais où je suis. Mais je ne sais pas où est l’endroit où je dois aller. Qui vivra, verra, le dicton est bien connu.

Je prends appui de mes mains sur l’appui de fenêtre et je me relève. Oui, j’avais fait une pause car à force de marcher et qui plus est de croiser des gens totalement hostiles que je ne connais absolument pas et qui me rendent mal à l’aise, bah ça lassait. Mais il fallait bien que je trouve cette fameuse salle académique où devait se trouver une prof ou adjointe pour réceptionner un papier de formalité d’inscription. Encore une fois, pourquoi devoir envoyer un élève, qui est en plus un nouveau porter le bout de papier ? Je ne sais pas. Mais c’était ce qu’on m’avait ordonné de faire et comme tout nouvel arrivant, il valait mieux ne pas refuser une demande. Ça paraissait toujours plus poli. Puis, mère m’avait éduqué ainsi. Père aussi accessoirement.

Je continue ensuite ma marche, baissant la tête quand je croise un(e) inconnu(e) de trop près tout en accélérant le pas. Maintenant que j’y réfléchis, c’est peut-être parce que je baisse la tête aux mauvais moments que je ne trouve pas la bonne salle ?! Pourtant je ne le crois pas, ça doit être un autre bâtiment et on ne me l’a pas dit. Stop. Pause. Voilà que je vais devenir parano si je continue. Respiration rapide, une porte, ça mène vers l’escalier. On a qu’à monter voir si c’est par là. Pourtant je jure d’y être déjà aller mais connaissant ma chance, on est sûr de rien.

Escalier, hésitation longue et réflexion intérieure. Oui, ça me lasse de chercher pour visiblement aucun résultat. Mon esprit dérive sur un fondement simple de cet institut : pourquoi n’utilisent-ils donc pas une poudre magique pour envoyer leur courrier dans une autre salle ? Je sais que cet endroit regroupe d’individus spéciaux. Donc quoi de plus anormalement normal que d’avoir ce genre de dispositif dans les parages ? Pourtant c’est le jeune Alex fraîchement arrivé dans cette enceinte qui doit faire les 400 pas pour remettre le fameux bout de papier. Vivement ma libération, cette tâche administrative qui me saoule pour rester poli m’épuise. Ils n’auraient pas pu me donner un examen d’entrée à la place ? Le genre de test qui m’aurait bien fait plaisir. Exercer un peu la matière cérébrale est un bon moyen de s’amuser non ?

J’examine ainsi toujours l’escalier car dans toute cette dynamique de pensée, je n’ai pas encore élaboré un stratagème efficace me permettant d’orienter mon choix. En haut, ou en bas ? Dans ces cas là et si aucun facteur extérieur n’influe notre jugement, ce serait du fifty-fifty. Pourtant, et je ne sais pourquoi, je pense à la théorie des graphes. Si j’assimile chaque pièce à un état avec différents chemins possibles pour relier ces pièces, il doit certainement exister le chemin le plus court pour moi passer dans chacune de ces pièces ? Pourtant le problème est facile, à moins que mon esprit et la disposition spatiale des différentes pièces est faussé et que je ne représente point la bonne réalité ? Manque de données conduit à exercice impossible. Donc je suis bloqué, donc je ne peux pas trouver la pièce que je cherche. Si ça continue c’était fait exprès ! Mmmhhhh …. Bonne question ça encore, et …

Un sursaut. Qui ? Moi ! Pourquoi ? Présence vivante détectée. Je sens mon cœur battre, vite, fort et mes joues rougir sans même savoir ce qui m’arrive. Avais-je fait quelque chose de mal ? Etait-ce le couloir interdit ? Pourtant je n’avais pas vu de panneaux préalables à ma non-présence en ce lieu ? Respire Alex, respire et tout se passera bien. Enfin … Je sens de l’air au niveau de ma nuque et puis j’entends une voix, féminine qui plus est. Non pas que j’ai plus d’affinité avec un homme qu’une femme, rien à voir et n’importe quelle présence anormale aurait suffit à me déstabiliser. Tout ça pour me conduire à vouloir m’échapper de là, de cette micro-étreinte car je suis en contact avec quelqu’un. Mais car il y a toujours un mais. Je n’ose pas. Car je n’arrive pas à bouger. Je baisse la tête après avoir vu une seconde voire deux le visage de la demoiselle. Chevelure bleutée, yeux bleus et c’est à peu prés tout. Et puis un blanc.

Dans ce genre d’occasion qui est totalement imprévue je ne sais pas comment le temps s’écoule. Je pense qu’au fond de moi, je peux faire bouger le temps car ça parait long, très long. Je n’ai jamais été très à l’aise avec les gens donc rien qu’à savoir que je dois parler et demander quelque chose : aie. Sauf que là, on m’a accosté sans que je ne le devine. Du coup, je ne suis pas bien. Mes joues doivent être rouges, je le sens. Mon cœur joue encore du tambour. Et dans tout ça, la demoiselle a parlé mais je n’ai rien retenu de ce qu’elle a dit. Je réponds alors :

« Euhhh oui. »

Puis là, mon esprit me torture. Je ne sais absolument pas pourquoi j’ai dit ça. Aucune logique, juste de l’affolement et je devrais rattraper cette phrase et dire « vous pouvez répéter ? ». Mais je n’ose pas, gêné. Du coup, je ne sais absolument pas ce qu’il va se produire. Ainsi, là, alors que tout semblait calme et que j’étais dans mon monde, je ne sais absolument pas quoi faire. Attendre ? Ça parait bien. Mais c’est stressant …

Et que le temps devient long. C'est avec impatience et appréhension que j'attends que mon interlocutrice prenne la parole et brise ce lourd silence. Ce n'est peut-être pas très poli ce long silence mais ce n'est pas comme si je ne veux pas, c'est juste que je ne peux pas. Le tic-tac régulier se répète ainsi dans ma petite tête. J'imagine l'horloge et les aiguilles qui défilent. Une simple image qui me sert à me changer les idées. Mais ça ne fonctionne pas, je pensais pouvoir me calmer un peu mais tous mes sens sont encore en alerte.  "Respire" dit une petite voix dans ma tête. Je lui obéis alors, tentant de créer le vide.

Mais un nouveau contact vient interrompre ma micro-séance de méditation. Réflexe simple: je relève la tête pour voir ce qu'il se passe et me confronte un léger instant au regard océan de la demoiselle. Déstabilisant. Il n'y a pas d'autres mots pour décrire ce genre de situation. Je baisse alors la tête pour pallier à l'instabilité et me retrouve à ... Je sens mes joues prendre de la couleur. La vision qui s'offre à moi est pire que la précédente. Quoi que je ne sais pas, c'est juste super ultra embarassant. Un gros "oups" s'échappe alors dans l'air. Suivi par un "zut" tout aussi incontrôlé. Inutile que je le dise oralement: je suis totalement grillé. Enfin, je le pense. Mais ce n'était pas volontaire pas du tout. Et puis ce n'est pas un crime si?
La voilà qu'elle parle. Elle n'a donc pas compris ce qui s'était passé? Je n'ai qu'à essayer de faire comme si de rien n'était, ça me semble le meilleur choix. Par contre, car il y a une condition, je dois répondre. Vite, il me faut les bons mots, je m'agite un peu avant de prononcer avec netteté:

"Salle 3B pour rendre un formulaire!"

Je relève alors la tête, recroise son regard un simple instant avant de relever encore un peu plus le regard. Il parait que regarder le front est un des moyens de faire croire qu'on parle à son interlocuteur sans devoir le fixer dans les yeux. Et bien essayons? Je ne pense pas être bon comédien dans l'âme car c'est bien un truc de comédien. Mais au moins, je ne suis plus tête baissée devant les ... oulaa stop. Il faut que je m'extirpe cette image de la tête. Pourquoi donc est-ce que je pense à des oranges? Pensons à des mathématiques. Si une orange fait le poids d'une demi banane plus une demi orange et qu'une banane pèse 60 grammes alors ...?

Je suis rouge. Une bon rouge tomate digne de faire une soupe ultra concentrée qui requinquerait un passant ayant passé sa journée dehors par un froid d’hiver. Ou peut-être que non. Car après tout, je n’ai pas de miroir pour voir ma petite bouille toute rosie. Et encore heureux car je suis déjà pas fort bien. Ma gorge se noue dès que je décolle mes deux lèvres, juste pour respirer. Mes jambes sont un peu lourdes, comme si je venais de courir un marathon. Le pire, c’est que j’ai beau avoir vécu ce genre de situation plus d’une fois. Je n’ai toujours pas l’habitude.

Un contact se fait alors sur mon dos et je sais qu’il s’agit de cette demoiselle qui me propose si gentiment de m’aider. Je n’ai donc qu’à la suivre, elle ne doit pas être bien méchante !

« Hum … Ok ! »

Pas de chance pour moi, j’ai réussi à me retrouver à l’extrême opposé de ma destination finale. Quand je clame la malchance c’est car je ne serais donc « pas seul » pendant tout le trajet jusqu’à la salle 3B. ça me pèse déjà maintenant mais je vois la suite comme « pas mieux » voire « pire ». Je dois agir comment à côté d’une inconnue qui m’aide à trouver un local ? Si ça continue, elle pense que je suis mal vêtu, ou alors que je suis bête de ne pas savoir mon chemin. Elle va ensuite m’en vouloir car je ne parle pas ! Je me sens angoissé. Et je me demande seulement maintenant pourquoi je n’ai pas fait demi-tour à l’accueil pour leur demander la route à suivre. Pour faire des maths, je gère mais pour fréquenter quelqu’un. Catastrophe.

Tu est un petit timide toi a se que je voie.

Catastrophe ! La veux-tu, la voilà ! Justement quand je venais de penser qu’elle allait me détester car je ne parle pas. Elle vient de me le dire. J’aurais du refuser poliment son invitation. Je ne sais d’ailleurs pas pourquoi j’ai dit oui, je savais que ça finirait mal. Ma tête s’est relevée depuis un moment mais mes yeux cherchent un décor stable qui ne m’agiterait pas davantage. Au final, je regarde le ventre de la demoiselle. Car ce n’est qu’un ventre comme un autre et je parle alors :

« Je suis désolé, je ne voulais pas vous déranger ! Pardon. »

Mon esprit m’ordonne ensuite de partir et continuer dans la direction actuelle car je ne peux que m’approcher de la fameuse salle. Mais mon corps reste planter là et ne bouge pas. Je suis tiraillé. Je voudrais mais je ne peux pas. Car ce serait impoli si je partais comme ça. Et pourtant, elle ne veut sûrement pas se balader avec un timide comme moi. Je soupire. Je n’ose plus rien dire maintenant. Je n’aurais pas du m’arrêter. Avec de la chance et même si je suis d’un ennui, je serais arrivé à bon port.