Je suis revenu sur les lieux de ma rencontre avec Alice. Pourquoi donc ? Moi-même, je ne le savais pas. Mais ça m'avait fait lever de mon lit ce matin d'une telle puissance. Moi qui voulais faire la grâce matinée pour une fois, c'est raté. J'avais pris le soin de me nourrir de quelques morceaux de viandes crues (quel délice d'ailleurs) et d'un morceau de tofu. J'avais encore du mal à manger sainement, comme le reste des personnes que je croise, de temps en temps dans les rues. Les légumes, mais quelle horreur de la nature ! Bon, même si c'est la nature même qui les produit, j'arrive pas à me convaincre d'en manger.

Juste après cela, je m'étais dirigé vers le peu de vêtements variés que j'ai. Je me suis mis avec mes habits habituels : une longue veste bleue, avec un revers violet. Quelques dorures, de qualité plutôt basse. Un brassard sur chaque bras pour une touche décontractée, un jean noir et des chaussures marron. Des fois, je me demande si je devais faire plus souvent les boutiques pour obtenir un maximum de combinaisons vestimentaires. Mais, je suis prisé par mon travail, et aussi le peu de rencontres que j'ai avec l'extérieur. Suite à m'être habillé convenablement, vérifié quelques parfums que je me suis appliqués, et une retouche de ma chevelure si spécifique, je sortais de mon appartement, le fermant à clef, et descendit vers la sortie, pour aller vers le parc.

Sacré départ, je dirai. Mais, je me préoccupe plus maintenant de savoir où aller. Certes, le parc est assez grand, mais pourquoi y retourner ? Pourquoi ne pas voir au-delà de la fontaine ? Ce serait meilleur pour rencontrer d'autres personnes non ? Avec cette dernière décision, je me dirige lentement, mais sûrement, vers l'inconnu. Je déteste ne pas connaître l'intégralité des choses. Je suis assez curieux aussi, mais ma peur de parler à une personne me fait perdre ma motivation. Même après les nombreux entraînements personnels, et le peu de dialogue que j'ai eu, je suis encore assez simple dans mes propos. Je sors mes paroles plutôt des livres et récits que j'ai lus, vus en extraits, ou entendus.

J'arrive sur le haut d'un pont, au-dessus d'une petite rivière où l'on pouvait apercevoir des carpes Koï. Ces êtres si fragiles, qui vivent plus longtemps que le reste des choses éphémères, tels les insectes ou les autres types de poissons. Étrangement, je veux les manger. D'un seul coup, comme ça, j'ai un creux, même en ayant mangé que quelques heures. Plus je les regarde, plus je les désire dans mon estomac. Je secoue la tête pour me réveiller de cette transe de gourmandise, puis je regarde mon reflet dans l'eau : un homme avec une mèche rouge, et des lunettes, celle qui bloque mon processus de transformation en demi-dragon. Du moins... Que la queue et les yeux, et quelques écailles sur le bas du corps. Jamais je ne saurai si je peux obtenir plus que cela, comme des ailes ou des cornes. Tout cela reste incertain.

Je lâche un gros soupir tout en fermant les yeux, puis je me regarde de nouveau dans l'eau, pour contempler ce que je suis devenu.


Encore une série de remords, pour bien me faire refermer dans ma bulle de solitude. Je me demande si, un jour, je trouverai quelqu'un qui peut me "libérer" de mon anxiété, de mes craintes, et de ma souffrance.

Mon introspection de mes motivations, et le passé toujours présent dans ma tête, n'étaient plus qu'un simple souvenir. En effet, ma torpeur mélancolique s'était enlevée, et j’émergeai en-dehors de mes pensées. Je voyais à présent qu'un simple reflet dans l'eau. Mais le contact que j'ai senti venait plutôt de derrière moi. Quelqu'un voulait m'interpeller ? Serait-ce... Alice ?

Je me retourne rapidement avec un sourire au visage pour me rendre que la personne qui se trouve face à moi n'est pas du tout celle que j'attendais. À la place de ça, mon sourire laisse peu à peu la place à une bouche inexpressive, ne traduisant pas une once d'émotion. Un étranger... Non, une étrangère plutôt m'a heurté. Au lieu d'entendre habituellement des râles de mécontentement, ou des "Fais gaffe ! ", elle s'excuse auprès de moi. Sa raison peut se résumer à une inattention. Comme pour moi, elle avait l'esprit occupé par quelques bribes de souvenirs, ou de rêves aussi. Elle regarde de part et d'autre le parc : cherche-t-elle à mettre au profit un plan machiavélique contre moi, pour m'humilier encore plus ? Apparemment, ce n'est pas son objectif, car elle me propose de faire un tour...

Faire un tour avec une étrangère ? Je ne sais pas quoi dire à ce moment-là. Je veux à la fois être tranquille, mais je voulais aussi rencontrer d'autres personnes qui, comme moi, cherchent de nouvelles relations sociales. Mais, mon centre d'attention devient de plus en plus sur l'entité qui se présente devant moi. La taille est la première chose que j'observe, et ils se trouve que pour la plupart des filles que j'ai vu, elle est de loin la plus grande. Une corpulence assez comparable aux mannequins qu'on pourrait trouver sur des magazines, mais des proportions au niveau de la poitrine bien plus importantes. Les vêtements qu'elle portait ne me dérangent pas trop. Cependant, je reste un homme, et si mon regard continue à poser les yeux sur son corps, je risque de passer pour un pervers. Le visage est bien plus important, et mon observation continue. Une chevelure longue et sombre comme la nuit, des yeux jaunes envoûtants, assez atypiques comme couleur (et c'est moi qui dis ça avec ma frange rouge) et une bouche fine, avec des lèvres qui donne l'envie de l'embrasser. Cette dernière pensée me fait un peu rougir. Je me demande si je suis autant perdu dans mes pensées pour voir cette vision idyllique.

D'un coup, je note la présence de plusieurs queues d'un renard derrière elle. Une hybride ? Comme moi ? Est-ce que ma demande de trouver une personne comme moi se réalise enfin ? En moi, une joie inexplicable se crée, et peu à peu, je perds le contrôle de mon expression de visage, et laisse transparaître un sourire naturel que je ne pensais jamais exister pour moi. Que m'arrive-t-il ? Ce n'est qu'une hybride, et j'en fais toute un éloge de cet événement.

La distance qui me sépare d'elle à moi semble propice au début d'une conversation. À moi de montrer que je peux en commencer une. Ce n'est pas difficile... Du moins, je crois. Plus les mots s'alignent dans ma tête, plus je perds confiance et gagne en hésitation.


Qu'est-ce qui se passe... Je ne fais que de répondre à son excuse ! Il faut que je continue, et pas que je reste sur des paroles aussi médiocres que ça !


Pourquoi tant de problème à dire simplement "Moi aussi j'aimerai accompagner votre petite personne dans cet endroit magique". Quel garçon sûr de moi je fais... Mais mes dernières paroles s’accompagne toujours de mon sourire naturel.

Puis, une saleté se dépose sur mes lunettes. Je me dois de la retirer, mais pas devant elle. Elle est peut-être comme moi, mais je ne veux pas qu'elle voit ma vraie nature, si celle-ci ne l'a pas déjà remarquée. Mon "instinct" sent en elle quelque chose de bien plus puissant que jamais je n'ai vu auparavant, même avec les plus vieux dragons de mon enfance...